Rencontre pour le vivre ensemble avec le CIC
- Charlotte Eidenbenz
- 15 nov. 2024
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 mars
Les diversités au cœur de la cité : journée d'échange sur la diversité culturelle et religieuse du canton de Vaud
Le 3 novembre 2024 à la salle Pyxis à Lausanne
Dans le cadre de la Semaine des religions 2024
Organisation et modération : Centre intercantonal d'information sur les croyances (CIC)
En partenariat avec L'Arzillier et la Plateforme interreligieuse du canton de Vaud.

La Semaine des religions
Dimitri Andronicos pour l'Arzillier
la Semaine des religions est réalisée dans toute la Suisse sous l'égide d'Iras Cotis depuis une vingtaine d'années.
L'association de l'Arzillier y contribue chaque année. Ses objectifs sont de promouvoir le dialogue, encourager l'amitié et la compréhension entre les communautés religieuses, participer à l'éducation religieuse, vivifier la liberté religieuse, valoriser la diversité et offrir un cadre protégé et neutre, capable d'accueillir les discussions.
Aujourd'hui, c'est la première fois que les différentes actrices et acteurs du dialogue interreligieux se réunissent ici autour de la question du vivre ensemble.
La Plateforme du dialogue interreligieux
Laurence Bonenblust-Pidoux et Eliezer Di Martino
Aimer Dieu signifie voir Sa présence dans chaque être humain, indépendamment de sa couleur ou de sa culture. L'unité et la diversité sont complémentaires, et chaque tradition spirituelle doit combattre l'intolérance et la discrimination. Les différences peuvent devenir une source d'enrichissement mutuel, et les religions jouent un rôle important dans la promotion du bien commun. La foi est un pont entre les âmes, incitant à reconnaître la dignité universelle de chaque individu. Travailler ensemble pour apprendre la tolérance et voir en l'autre un reflet de notre humanité commune est essentiel pour construire un monde de paix et d'harmonie.
Le Centre intercantonal d'information sur les croyances (CIC)
La diversité des communautés religieuses dans le canton de Vaud ont été cartographiés. Si cette diversité est restée stable en Suisse entre 2008 et 2020, les études menées constatent toutefois un renouvellement de congrégations dans les milieux urbains, notamment en raison des mouvements migratoires. Les congrégations disposant d'un lieu de rencontre hebdomadaire présentent un risque plus faible de disparaître. Certains lieux sont réaffectés à neuf ou recyclés et sont loués à différentes communautés religieuses.
La perméabilité et la multifonctionnalité de ces lieux de culte au-delà de leur fonction religieuse jouent un rôle important dans les solidarités locales : s'y déploient par exemple la distribution de colis, de l'appui scolaire, de l'accueil jour-nuit, de l'accompagnement social, des échanges d'informations et de conseils, des cours d'alphabétisation ou encore du soutien administratif.
Le vivre ensemble n'est pas inné, il s'apprend. La cartographie des différentes communautés religieuses participe de cet apprentissage.
Les communautés religieuses et la diversité, action sociale et vivre-ensemble
Les communautés religieuses et les institutions suivantes ont présenté leurs activités à tour de rôle dans un objectif de mieux appendre à se connaître les unes les autres :
L'Église orthodoxe érythréenne Tewahdo (Lausanne).
Église dédiée à la vierge Sainte Marie. Fondée en 2007 à Lausanne, active depuis 2011 à Chailly. En cours : projet de construction "Céleste" d'une église orthodoxe érythréenne sur le site de l'ancien vivarium de Lausanne. Une collecte fonds est en cours depuis 2015.
l'Association bosniaque de Lausanne (Ecublens).
Membre de l'Union vaudoise des associations musulmanes, cette association a pour objectif (entre autres) de maintenir la culture bosniaque à Lausanne, en particulier ses traditions et la langue bosniaque.
La communauté Baha'ie de Pully.
Née au 19ᵉ siècle en Iran, la communauté de Baha'ïs a été accréditée à l'ONU en 1948. Pour elle, toutes les religions émanent d'un même Dieu. Elle prône l'éducation universelle et obligatoire, l'adoption d'une langue auxiliaire universelle et d'un tribunal international et souhaite l'abolition de toute forme de préjugés. Ses activités : prières, lectures, méditations sur les textes sacrés, enseignement aux enfants pour développer leur potentiel spirituel.
L'Église évangélique des Amandiers (Lavigny).
Dans ses locaux, cette communauté a organisé un soutien aux familles ukrainiennes, des cours de français, un concert d'une pianiste géorgienne, une banque alimentaire profitant à 80'000 personnes depuis 2022, des temps de convivialité, toutes générations confondues.
Elle collabore souvent avec les catholiques et les réformés.
Le Service cantonal santé et solidarité de l'Église Évangélique Réformée du canton de Vaud.
Depuis presque deux ans, les Jardins Divers à Lausanne accueillent gratuitement les personnes en situation de précarité. Sa gouvernance est partagée et ses portes sont ouvertes à toute personne venant y frapper. Au centre de ses activités : la spiritualité. Bacs de permaculture, expositions d'artistes, minifesti en 2023, vêtements et nourriture chaude, marathon de lecture à haute voix.
Dialogue en route Suisse romande.
Une quinzaine de guides formés en communication interculturelle à la HEP Fribourg propose aux jeunes de 12 à 18 ans des parcours interculturels urbains, des espaces de découvertes, des visites de différentes communautés culturelles et religieuses en Suisse. L'objectif : lutter contre les discriminations et développer les connaissances des diversités.
Le Point d'Appui (Lausanne)
Depuis 2003, ce lieu d'accueil pour personnes migrantes propose des informations, un réseau d'acteurs et d'actrices, une écoute et des Actions Parrainages entre personnes réfugiées et personnes établies en Suisse. Ses bénévoles collaborent avec des associations et organisations dans tout le canton. La démarche : informer les personnes pour qu'elles restent les actrices principales de leur propre vie et prennent des décisions par leurs propres moyens, les aider dans leurs démarches administratives.
L'Aumônerie œcuménique au service des mineur·es en institution.
Une équipe tricéphale d'aumônerie réformée et catholique romaine propose aux enfants et aux jeunes des animations pour découvrir les multiples religions, se sensibiliser à la diversité, visiter des lieux de culte, encourager la curiosité par rapport à sa propre religion et à celle des autres et ouvrir le dialogue interreligieux respectueux et non-prosélyte. Active dans 90 lieux dans le canton de Vaud (écoles, foyers, familles d'accueil), cette équipe s'inspire de l'éthique de Paul Ricoeur et sensibilise le public au droit des enfants à avoir accès à une spiritualité. Ou comment donner sens à ce qui nous arrive dans une perspective plus large.

Favoriser la cohésion sociale, former les acteur·ices religieux·ses
Conférencier : Philippe Gonzalez, sociologue, maître d'enseignement et de recherche à l'Université de Lausanne, et membre du comité scientifique et formateur "Communautés religieuses, pluralisme et enjeux de société" (CORPES) à l'UNIL.
Trois statuts bien distincts : la tolérance, la reconnaissance d'intérêt public et le statut juridique de droit public
En 1950, la quasi-totalité de la population suisse était partagée entre protestant·es et catholiques. Aujourd'hui, ces deux communautés couvrent ensemble env. 50% de la population suisse et sont des institutions de droit public, donc financées par l'État. Les constitutions cantonales accordent la primauté du droit suisse sur le droit religieux et exigent des communautés religieuses de droit public un engagement social interreligieux.
Une communauté religieuse tolérée par l'État est autorisée par celui-ci à exercer sous forme associative. Toute communauté religieuse qui demande la reconnaissance de son utilité publique par l'État entre dans un processus de déconfessionnalisation. Car une fois reconnue, elle est habilitée à exercer des fonctions d'aumônerie dans les écoles, les hôpitaux et autres organismes publics. Le fait d'exercer une fonction publique dans le cadre d'un partenariat implique de souscrire aux valeurs publiques, ce qui peut conduire à des tensions, par exemple autour de l'égalité entre les hommes et les femmes. Face à ces tensions, on distingue trois tentations : fuir la tension et s'extraire du débat, adhérer aux normes publiques sans prendre le soin de les interroger au regard de la tradition interne, et enfin, ni adhésion aux normes publiques ni travail sur la tradition interne. Or, pour obtenir la reconnaissance d'utilité publique par l'État, il est indispensable de savoir gérer de telles tensions.
Pour compléter le cadre juridique de la reconnaissance d'intérêt public en place, la formation continue CORPES proposée à l'UNIL s'adresse aux clercs et laïcs et vise à dynamiser les communautés religieuses : élargir leur regard dans une approche un peu différente de la leur, travailler en petits groupes de discussion autour de thèmes qui peuvent fâcher. Format didactique : le dilemme, concernant une action concrète, réflexions sur des solutions de conflits.
Constats en six ans de formation : rares sont les arguments religieux avancés par les participant·es pour résoudre un problème. Le discours se sécularise. Et les participant·es développent une position commune dynamique entre les diverses traditions.
Migrations, diversité religieuse et interculturalité
Conférencier : Claudio Bolzman, Professeur à la Haute école de travail social de Genève.
Il existe trois modèles d'intégration sociale des communautés religieuses : assimilationniste, multiculturel et interculturel. Dans la pratique, ces modèles coexistent au sein d'une même institution ou face à une problématique. L'intersectionnalité est une nouvelle approche qui peut venir enrichir l'interculturalité, notamment en tenant compte des rapports de force, des appartenances de genre, de classe, de racialisation, d'orientation sexuelle, etc.
Table ronde : enjeux, défis et solutions du vivre-ensemble
Modération : Camille Andres, journaliste Réformés
Invité·es :
Nicolas Appel, adjoint à la direction des affaires religieuses, État de Vaud,
Merve Gün, vice-présidente de l'Union vaudoise des associations musulmanes,
Bashkim Iseni, délégué à l'intégration de la ville de Lausanne,
et Monika Salzbrunn, directrice de la chaire "Religions, Migration, Arts2 de l'UNIL.
Qu'est-ce que le vivre-ensemble, ses défis et ses solutions ?
Quelques défis :
Entrer dans le processus de reconnaissance dans le cadre légal et réglementaire sans faire de la reconnaissance une fin en soi : déployer un grand travail d'interconnaissance entre les différentes communautés. Dans ce cadre, développer des partenariats sans asymétrie christiano-centrée.
Revoir nos représentations des diversités religieuses et sortir de la peur du communautarisme. Concevoir l'autre comme quelqu'un qui apporte quelque chose de positif à la société, et ne pas le réduire à quelqu'un en demande.
L'associatif respose sur le rassemblement d'individus autour d'objectifs communs, dont le vivre ensemble qui se déploie à trois niveaux : social (intégration, entraide face aux problématiques du quotidien), religieux et culturel (notamment la langue d'origine).
La diversité des 11 associations à l'UVAM est un défi en soi.
L'invisibilité et la difficulté d'accès des lieux de cultes, par ex. dans une zone industrielle.
L'individualisme dans notre société applanit nos différences qui sont perçues comme source de conflit.
Intervenir dans l'espace public en ayant une coloration confessionnelle crée une tension problématique : on aime quand il y a du social, mais il faut gommer le religieux.
L'image des communautés religieuses dans les campagnes éloignées de l'interculturel majoritairement déployé dans les zones urbaines. L'école et les Églises sont des vecteurs importants de l'évolution lente vers une meilleure image.
Quelques solutions :
Former les associations pour les encapaciter et les encourager à participer dans les instances décisionnelles.
Développer un plus grand nombre d'actions dans les écoles. Car les enfants sont les meilleurs exemples du vivre ensemble et ne rejettent pas l'altérité.
Les associations travaillent à ne pas réduire les individus à son appartenance religieuse. Pluraliser le narratif concernant la multiplicité des communautés.
Les municipalités, voire les quartiers, sont les niveaux d'échelle les plus adaptés pour comprendre comment les communautés se structurent et donc comment elles peuvent s'inscrire dans le tissu. Le prisme de l'intégration n'est plus adapté.
Appendre à connaître l'autre, notamment en s'initiant à la langue de l'autre.
Considérer le processus de reconnaissance comme un tremplin vers le rôle de partenaire qui réalise des actions au sein de la communauté vaudoise, et pas uniquement pour les communautés musulmanes.
Rappeler comment, dans la pratique, nous sommes déjà dans l'interculturel : la population suisse travaille avec des personnes d'ailleurs.